Rock par Sutton

Critique du livre de S.B. Sutton,
« la seule biographie de Joseph Francis Rock,
Dans les provinces de la frontière chinoise,
la turbulente carrière de Joseph Rock,
botaniste-explorateur »

Ce livre est paru en 1974 aux USA et depuis, personne n’a étudié la vie de J.F. Rock. Il est en anglais et peu d’exemplaires sont disponibles (nous possédons uniquement une photocopie fournie par un ami de Kew en Angleterre)

Cet ouvrage est passionnant et très érudit. Que de détails passionnants sur la vie de Rock ! Mme Sutton a eu le privilège de rencontrer Robert Koch, le neveu de Rock (décédé depuis) . J.F. Rock avait voulu  en faire son secrétaire dans les années 30. Un projet qui échoua car Rock était vraiment très coléreux, et même s’il regrettait tout de suite de s’être emporté, et que Robert lui était très attaché, il  trouvait souvent son oncle invivable.

Le livre de S.B. Sutton est déroutant pour un Français car il fonctionne par thèmes et ce n’est pas une biographie suivie. Elle ne déroule pas vraiment sa vie du début à la fin, elle fonctionne par entrées successives dans le parcours de sa biographie. Par exemple elle analyse les rapports de Rock avec les Naxis, puis avec le Kuomintang, les missionnaires, les rois ou princes qu’il a rencontrés, etc. Ce livre fonctionne donc comme une mosaïque. Le chapitre le plus intéressant est celui où S.B. Sutton dessine son caractère. On voit alors apparaître un homme très haut en couleur, courageux mais solitaire, suicidaire et cyclothymique, et surtout très à cheval sur les petits détails, spécialement pour le service de table et la gastronomie.


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Femme naxi en costume traditionnel ( photo de Rock )
Femmes Hlikin ( Mosos ) en costume de cérémonie ( idem )
Idole de beurre , faite pour la Fête du Beurre à Zhuoni ( idem )

S.B. Sutton a un grand mérite: elle ne se contente pas de décrire J.F. Rock comme un excentrique (le fait qu’il se promenait partout avec son gramophone et ses disques d’opéra, sa baignoire pneumatique, ses vins fins, son équipement de camping très perfectionné, etc, tout ce qu’a raconté Edgar Snow) elle souligne son génie scientifique et le travail immense qu’il a abattu malgré sa bougeotte ( Rock n’a pas cessé de voyager et n’a jamais possédé de maison, il a toujours vécu, soit en location, soit chez des amis, soit à l’hôtel) . S.B. Sutton met aussi en évidence sa fascination pour les choses morbides, en dépit du fait que J.F. Rock était un esprit très rationnel et un immense génie scientifique. On s’aperçoit aussi que, malgré son côté caractériel, Rock était tout à fait capable d’avoir de vraies amitiés: le roi de Muli, le gouverneur de Yongning ( le royaume et son lac immense, avec l’île où Rock allait se retirer pour écrire ) le Prince de Zhuoni. Et bien entendu ses boys naxis. Ce chapitre est le meilleur du livre.


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Le gouverneur de Yungning et son pavillon sur son île de Nyorophu ( idem )
NB: Le pavillon, c'est là que Rock s'est retiré pendant les attaques japonaises en 42-43 pour écrire ses traductions de pictogrammes, c'est là aussi que les Tigres Volants lui parachutaient tout ce qu'il demandait ( vivres, livres, médicaments, tous ses caprices )


S.B Sutton a également étudié la vie de Rock à Hawaï, du temps qu’on l’appelait «  Pohaku » ( l’équivalent du mot anglais «  rock », ( rocher) en hawaïen. Elle n’a pas dissipé ses importantes zones d’ombre, mais ne cache pas les travers de Rock. Elle prétend par exemple  qu’il lui arrivait d’exploiter ses étudiants, etc.  Malheureusement, elle n’éclaircit pas le mystère de sa vie sexuelle. Peut-être n’a-t-elle pas osé, car elle travaillait pour l’Université d’Harvard.  Ou alors la famille lui a demandé de se taire.


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Le Minya Konka, plus haute montagne de Chine , 24 900 pieds ( idem )
NB : et pas la plus haute montagne du monde comme il l'avait prétendu dans un télégramme au National Geographic Magazine
Le Roi de Muli sur son trône ( idem)
NB : Ami de Rock et sujet de plusieurs reportages au National Geographic MagazineAssassiné par l'Armée rouge dans les années 30 (voir chronologie)

Les passages sur l’histoire de la Chine sont quelque peu ennuyeux car très érudits. Par ailleurs S.B. Sutton, de son propre aveu n’a pas mis les pieds en Chine ( elle écrivait du temps de Mao, elle n’a pas eu son visa )  Donc quand elle parle de la vie de J.F. Rock à Lijiang ou à Nguluko, au pied de la Montagne du Dragon de Jade, ça reste une pure approche intellectuelle et on regrette ce côté abstrait.  Elle a aussi négligé de raconter l’aventure de la pivoine et elle n’est pas très sensible à l’aspect le plus fascinant de la vie de Rock: le déchiffrement et le sauvetage des manuscrits naxis.  Mais ce livre est malgré tout passionnant. C’est la base pour tous ceux qui s’intéressent à la vie de J.F. Rock. Il est extrêmement regrettable qu’aucun éditeur français ne l’ait traduit. On regrette aussi qu’elle n’ait pas publié davantage de photos prises par Rock ( voir celles qu’a republiées le National Geographic vol. 191, N°1, janvier 1997, article  «  Our man in China » page 62 ) Ce sont sont de petits bijoux. Des photos de J.F. Rock sont aussi réunies dans un catalogue d’une exposition  qu’on lui a consacré à New York en 1992. Malheureusement ce document est devenu introuvable et nous n’avons pas pu le consulter.


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Nageurs na-khis et radeau en peaux de chèvre ( idem )
NB: pour franchir les rapides
• Criminel lolo emprisonné à Muli ( idem )
NB: les Lolos sont une peuplade du Yunnan. Il s'agit bien sûr d'un carcan.
Un songma, ou médium de Yongning ( idem )
NB: Yongning est la région du lac et du pavillon de retraite de JF Rock, voir plus haut, et chronologie.

(Audrey)